7 Mai 2025, mer

Boufarik : Orangina mieux qu’une saga

orangina

L’HISTOIRE AVANT L’HISTOIRE : 1900/1945

Il y a bien longtemps dans un pays riche et prospère, avait grandi un jardin merveilleux dont les senteurs de roses et d’orangers remplissaient de bonheur ses habitants.
Tous les hommes du village, laboureurs de père en fils, venaient s’y retrouver aux heures fraîches de la nuit et s’émerveillaient d’y voir s’épanouir de si belles roses, de si douces oranges.
Ils les aimaient tant qu’ils se mirent à planter des milliers et des milliers d’orangers, et la plaine tout entière devint une vaste orangeraie.

La terre fut si prodigue que chaque journée se passa à entretenir ces orangers qui faisaient leur fierté. Mais bientôt les hommes se lamentèrent de ne savoir que faire de leurs belles oranges
«Non seulement nous devons cultiver nos champs de vignes et de blé, mais nos orangers nous demandent de plus en plus de soins. Nos entrepôts regorgent de fruits ! Que pouvons-nous faire de cette nouvelle richesse

  • I1 faut en faire du jus à boire en toutes saisons. Il faut faire connaître nos oranges et leur jus au-delà des mers, par-delà les montagnes !»
    Et toute l’assemblée acquiesça. L’un d’eux assura même que par le jus de leurs oranges, leur petite ville acquerrait une grande renommée.
     » Un jour, nous connaîtrons la formule qui nous permettra de boire le jus de nos oranges aux quatre coins du monde. N’hésitons pas à aller de l’autre côté des mers, de l’autre côté des montagnes, nous y découvrirons certainement la formule que nous cherchons. »

Tous furent de son avis et l’aidèrent à préparer son voyage. Cet homme s’appelait Léon Beton et c’est avec lui que commence notre histoire.
Est-ce l’intuition, le hasard, la chance, qui conduisirent Léon Beton à traverser la Méditerranée ?
Peut-être les trois ensemble ou simplement l’affection pour l’un de ses frères qui habitait Marseille.
Toujours est-il que ce voyage, sans qu’il s’en doutât un seul instant, allait changer sa vie et la notoriété de Boufarik, petite ville de la plaine de la Mitidja, au sud d’Alger. Une certitude cependant accompagnait notre voyageur dans son périple : ce goût de la nouveauté que l’on se transmettait de père en fils dans la famille Beton allait à nouveau se révéler. Effectivement, le retour de Léon Beton de Marseille, en cet automne 1935, est resté un évènement dans la tradition familiale et boufarikoise. A peine arrivé, sa famille et ses amis l’entourent. La curiosité domine et tout le monde s’empresse, impatient d’avoir des nouvelles. Qu’a-t-il pu découvrir qui serve les oranges de Boufarik ? Quelle nouveauté a-t-il pu rapporter de la célèbre foire de Marseille ? Dans son enthousiasme, Léon Beton est tout aussi fébrile que les autres. Sa valise à peine ouverte, il en sort avec précaution un petit flacon tout ventru, avec en guise de bouchon une minuscule fiole. Délicatement, sous les yeux de toute la famille, il ouvre cette petite bouteille à la forme étonnante, en verse une cuillerée dans un verre, y ajoute de l’eau sucrée, prend entre ses doigts le bouchon et pour finir laisse glisser dans le verre quelques gouttes odorantes…

On goûte… Et c’est l’émerveillement ! Les amis, sa femme, son fils, se passent de main en main cet étrange flacon qui contient du concentré d’orange et de l’huile essentielle. Imaginez un peu l’enthousiasme de Boufarik, capitale des oranges !

Mais ce n’est pas tout ! Léon Beton n’a pas seulement découvert une idée, il a rencontré un homme extraordinaire, un inventeur. En Espagne, le Dr Trigo oeuvre dans ses laboratoires de Valence au progrès de ses trois passions : les arômes, les huiles essentielles et les jus d’orange. Cet humaniste est un scientifique qui a longtemps mené des travaux sur le pénicillium cette fameuse poudre blanche qui recouvre les oranges pourries – sans savoir que Fleming allait découvrir la pénicilline. Dès lors, des lettres s’échangent, des caisses contenant les flacons de concentré sont acheminées de Valence à Boufarik, un projet de négoce voit le jour, et pour couronner l’engouement général, la famille Beton invite le Dr Trigo à séjourner à Boufarik.